Conclusion

L’impact de la crise de 2008 a amené le peuple islandais à prendre en main sa destinée et à décider ce qui devait être effectué pour que les inégalités du pays se résolvent. Son intervention à travers des manifestations de rue a tout d’abord fait tomber un gouvernement, qui bien que peu responsable de la situation économique catastrophique du moment, représentait à leurs yeux une caste politique et économique qui dirigeait le pays depuis trop longtemps sans se préoccuper du bien commun.

Devant cette mobilisation, le Président islandais a décidé de laisser au peuple la possibilité de choisir si l’Etat islandais devait ou non rembourser les épargnants étrangers qui avaient perdu l’ensemble de leurs économies lors de la chute des banques islandaises. Les islandais ont refusé l’accord proposé par leur gouvernement, pensant non sans raison, qu’ils ne disposaient pas de la capacité économique à payer et à s’endetter encore plus.

De même, le nouveau gouvernement, issu des législatives de 2009, a compris cette dynamique citoyenne et a choisi de donner la possibilité à la population de s’exprimer pour prendre plus de responsabilité. Dans ce but, il a soutenu la rédaction d’une nouvelle Constitution qui se devait d’être plus proche des attentes des Islandais, en étant rédigée par le peuple et pour le peuple. Bien qu’extrêmement crédible, cette proposition de Constitution n’a convaincue ni les politiciens, inquiets de perdre leur prérogatives, ni la majorité de la population voyant la crise enfin en partie résolue n’a pas souhaité prolonger son engagement. Ainsi rendue inefficace dans sa capacité à rallier les citoyens dans son application, cette idée de nouvelle Constitution fut abandonnée.

Enfin tout au long de la crise, l’Islande a rarement suivi des voies empruntées par d’autres pays et son gouvernement a choisit de refuser les mesures d’austérité tout azimut que d’autres pays appliquaient dans le même temps. Ces mesures alternatives ont été soutenues par la population qui pensait être ainsi mieux protégés des aléas financiers, se sont aussi révélées gagnantes, puisque l’Islande semble être aujourd’hui sortie du marasme économique dans lequel elle était.

Durant cette analyse nous avons aussi observé comment les citoyens grecs, malgré l’importante pression européenne qu’ils subissent, ont chercher à faire entendre leur voix. Ils ont tout d’abord exprimé leur volonté de changements en votant lors des élections législatives de janvier 2015, pour le jeune Parti Syriza représenté par Alexis Tsipras, qui leur a proposé des solutions de sortie de crise radicalement différentes de celles, incapables de résoudre les problèmes du pays, que le Gouvernement d’Antonis Samaras essayait de mettre en œuvre depuis plusieurs mois sans succès sous la pression de l’Union Européenne. Ils ont ensuite de la même manière, conforté la position de Tsipras, dans sa lutte contre les mesures d’austérités imposées par la Troïka européenne, lors du référendum suivant. Cette politique alternative qui visait à sortir la Grèce de la crise économique et à protéger une trop grande partie de la population de la précarité, quoiqu’elle ait été fortement soutenue par les citoyens, n’a pas pu être appliquée et on ne peut pas juger de son efficacité, car elle n’a pas convaincu assez de pays de l’UE pour que le Gouvernement grec puisse tenter de mettre en œuvre la politique pour laquelle il a été élu.

Concernant la Suisse et sa démocratie participative, nous avons pu voir que les propositions soutenues par les citoyens ne sont pas en opposition avec le gouvernement. Elles sont souvent le reflet du désir de changement de la population influencée par les aléas politiques, économiques et sociaux. Profitant des médias et les réseaux sociaux, les citoyens utilisent abondamment ces nouveaux outils pour s’exprimer. Ce système de démocratie directe permet aux citoyens d’avoir accès à tous les outils institutionnels pour faire des propositions alternatives. Cette méthode d’expression trouve un large écho dans la population d’autant plus que la rapidité de l’information la rend d’autant plus efficace et crédible qu’elle est ensuite validée par référendum.

Apporter une réponse sans nuance à la question que nous nous sommes posée tout au long de ce travail ne peut être satisfaisant. En effet, on peut se dire que mise part la manipulation médiatique (voulue ou non), les politiques alternatives proposées par une majorité de citoyens reposent sur une base plus ou moins crédible. Il existe toujours une idée juste à la base d’une proposition citoyenne. Elles sont souvent menées par des intellectuels, des spécialistes ou par des figures médiatiques, qui proposent ou relayent les idées. Il arrive toutefois qu’elles ne soient pas crédibles et dans ce cas, elles n’aboutissent pas.

L’efficacité de ces politiques alternatives dépend de très nombreux facteurs, qui ne sont pas seulement du ressort des citoyens. Sur des sujets comme l’économie – qui sont très pointus, mais aussi extrêmement fluctuants dans le temps et dans l’espace -, il est tout à fait possible qu’une politique alternative soutenue par la population paraisse réalisable, mais suite à différents aléas, qu’elle ne puisse pas régler la situation de crise. Toutefois, donner directement la parole aux citoyens permet de mieux comprendre leurs préoccupations et surtout de défendre plus facilement leurs intérêts que s’ils laissaient le pouvoir de décision uniquement à leur gouvernement. En effet, celui-ci peut être en proie à des intérêts particuliers et au lobbying. Des structures comme la démocratie directe, bien que n’empêchant pas les dérives, semble plus saines et plus aptes à les limiter.

Notre travail a consisté à montrer l’importance de l’implication des citoyens dans la résolution des crises économiques, à travers leurs propositions de politiques alternatives. Toutefois, des limites existent au fait de consulter les citoyens sur toutes les décisions, car certains sujets sont particulièrement complexes, dans les domaines de l’économie comme de la politique internationale. Tous les citoyens n’ont pas forcément les outils pour comprendre ou pour analyser correctement les situations qui les préoccupent. On ne peut pas attendre de tous les citoyens d’être des « experts ». Ils peuvent être victimes d’informations erronées ou partisanes de la part des réseaux sociaux et des médias, qui eux même appartiennent souvent à des groupements d’intérêts. Le citoyen, pour ne pas dire l’électeur, est par conséquent manipulable, rendant certaines de ces propositions peu fiables.

Pour proposer des politiques alternatives concrètes et efficaces, il est nécessaire que les citoyens aient accès à des sources d’informations variées et objectives. Les principaux canaux d’information sont maintenant les réseaux sociaux, qui malheureusement sont souvent parasités par des informations douteuses généralement issues d’une presse non référencée, donc non vérifiable, et par les commentaires d’individus plus intéressés à faire le buzz sur internet qu’à exprimer correctement une opinion sensée. Les médias généralistes quant à elles (presse, radio, télévision, internet…) sont aussi souvent détenues par des groupes privés destinés à créer de l’influence. On peut alors se demander quel est le rôle et la qualité de ces moyens d’informations dans une démocratie moderne comme la nôtre.

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